Manbiki Kazoku (Une affaire de famille / Shoplifters) de Kore-eda Hirokazu ; Netemo Sametemo (Asako I & II) de Ryusuke Hamaguchi
La proximité de leur projection et leur nationalité pourraient les rapprocher, mais ce sont deux films bien différents, avec deux auteurs aux univers complexes mais peu comparables.
Manbiki Kazoku de Kore-eda Hirokazu
Né en 1962, Kore-eda Hirokazu commence à réaliser des films à partir de 1995. Depuis 2001, il a multiplié les sélections à Cannes (sept fois ! un auteur cannois par excellence ?) : Yuya Yagira, jeune acteur principal de Nobody knows, y glane le Prix d’Interprétation masculine en 2005, et c’est avec le magnifique Tel père, tel fils, qu’il gagne le Prix du Jury en 2013, ainsi que le Prix du jury œcuménique.
Hirokazu a un style spécifique, une douceur du regard, une attention quasi-documentaire au réel, une prédilection pour les films de groupe, de communauté, de famille. Ses variations sur les (dé)constructions des familles sont souvent touchantes car d’un grand raffinement. Loin des envolés lyriques et/ou violentes chères aux vieux maîtres du Jidaï Geki (Kurosawa ou même Mizoguchi), Hirokazu est bien plus proches des chroniques douces amères du maître du Shomin Geki, tragi-comédie des petites gens (sous-genre des Gendaï Geki, films représentant un Japon contemporain) dans lequel Yasujiro Ozu excellait.
Dans Une affaire de famille, Hirokazu représente une famille en perpétuelle fondation, heureuse, où les repas en communs sont toujours des règlements de comptes plutôt drôles et truculents. Mais cette famille n’est pas comme les autres, et comme souvent chez lui, les liens du sang sont remis en perspective par les liens d’éducation, les attentions, le raffinement de la transmission et dominent les débats.
Difficile d’aller plus loin, sans dévoiler les arcanes de ce film étrange, ou encore une fois les deux enfants nous bouleversent et les logiques générationnelles se confrontent. Le film sera sûrement au Palmarès, mais à quel niveau ?
Netemo Sametemo de Ryusuke Hamaguchi
Ryuseke Hamaguchi est quant à lui plus jeune. Né en 1978, il fait des films depuis 2007, et c’est son premier Festival de Cannes.
L’œuvre ici présentée, comme son titre l’indique, est le portrait d’une jeune femme, Asako (interprétée par la douce Erika Karata), sous deux versants, ou pour le dire autrement, sous l’angle de deux histoires (d’amour) différentes, à deux année d’intervalles. L’une avec l’évanescent et vite fantomatique Baku, l’autre avec le constant et aimant Ryosuké.
Jusque-là, rien de bien étonnant.
Le problème, ou plutôt là où le film trouve son originalité, c’est que ces deux personnages masculins sont interprétés par le même comédien, le charismatique Masahiro Higzshide !
Un homme tombant amoureux deux fois de la même femme, cela existe depuis bien longtemps au cinéma. Le plus célèbre exemple étant, bien sûr, le vertigineux Sueurs froides (Vertigo) d’Alfred Hitchcock* (1959), dans lequel James Scottie Stewart dédouble son amour pour une Kim Novak inoubliable. Mais il ne faut pas non plus oublier comment Déborah Kerr, ensorcèle le Colonel Blimp dans le film éponyme du duo Powell-Pressburger en 1943.
Ce qu’il y a de bien ici, c’est que c’est le personnage féminin qui est troublé, qui vacille devant un destin dual.
La confiance en amour, la suspension des sentiments, le deuil de la séparation de l’être aimé… Deux films très touchants donc, et touchés par une certaine grâce, japonaise soit, mais universelle assurément.
Sayonara
* Vertigo est projeté ce soir à Cannes dans le cadre des projections du Cinéma de la Plage !