DIT, un jeune métier du numérique

Étudiant en 3e année de la formation Réalisation cinéma et télévision à l’EICAR, Corentin Crochemore nous explique dans un article très complet, le métiers de DIT.

Photo de l’article : Camille Ferré

Voilà maintenant une vingtaine d’années, s’est amorcée une grande transition dans le milieu du cinéma. Originellement captés sur support pellicule, les films ont commencé à être tournés avec des caméras numériques. La transformation s’est achevée autour de 2010 avec la commercialisation des caméras RED One et ARRI Alexa, passant à une production mondiale majoritairement en numérique.

Cette transition a provoqué de nombreux changements dans le métier : métamorphose du travail de traitement de l’image du Chef Opérateur, très bonne qualité de visualisation des images en direct sur le plateau, passage des laboratoires de post production d’un processus photochimique (pellicule) à numérique (des fichiers qu’il faut pouvoir sécuriser et décoder).

Petit à petit, ce changement a intégré sur les plateaux de cinéma des nouveaux métiers : DIT, Data Manager, Opérateur Qtake, Opérateur Previz On-Set… Une place rêvée pour les profils hybrides, à la fois Geeks et passionnés de l’ambiance de travail du plateau : le stress, la débrouillardise, la collaboration constante avec les autres.

C’est dans ces nouveaux métiers que j’ai moi-même trouvé ma voie – et ma place – avec l’opportunité de travailler très rapidement sur de beaux projets : téléfilms, séries, longs métrages. Arrivé très autodidacte en école de cinéma en 2015, je me suis vite orienté vers la technique, touchant un peu à tout : électricité, déco, caméra… J’ai découvert en 2016 le poste de DIT encore méconnu des enseignants. Au fur et à mesure de mes expériences plateaux et des conférences auxquelles je me rendais, je me suis construit un réseau de DIT sur Paris. J’ai débuté par des stages, on m’a ensuite donné ma chance pour passer au poste de Data Manager et j’aurai bientôt l’opportunité de devenir également Opérateur Previz On-Set sur le système Halide. En parallèle, comme beaucoup d’autres jeunes dans l’audiovisuel, j’ai continué à travailler sur des projets de la sphère indépendante (courts métrages et pubs pour internet) mais en tant que DIT, fort des connaissances acquises auprès de mes chefs et mentors.

Avant de vous décrire un peu mieux le poste de DIT, deux points assez contradictoires me semblent importants à soulever. Si d’un côté, ce sont des métiers en plein essor – comme dans tous les aspects du numérique, on développe sans cesse de nouveaux outils : étalonnage Live, prévisualisation des effets spéciaux sur le plateau, etc. – d’un  autre, l’industrie française, quoiqu’en évolution, tend à perpétuer des méthodes de production « artisanales » qui peinent à évoluer, ralentissant cet essor pourtant prometteur. Reste à savoir comment ces métiers et l’industrie elle-même vont évoluer…

Qu’est ce qu’un DIT ?

Au même titre que le chef électricien, le chef machiniste et le 1er Assistant Caméra, le DIT est un des lieutenants du chef opérateur. Parfois chef d’équipe lui-même (pour une équipe « numérique », un Data Manager, un Opérateur Qtake, un assistant vidéo), il va superviser les traitements de l’image et des fichiers numériques du plateau en vue de la post production, se posant comme un lien entre les deux.

En tant qu’expert de l’image numérique et coloriste (DIT est l’acronyme de Digital Imaging Technician), il se doit de connaître et de comprendre les possibilités offertes par la caméra tout autant que par la post production.

Avant le tournage

Pendant la préparation du tournage, le DIT travaille avec le chef opérateur et l’équipe de post production afin de mettre en place le Workflow : Quels seront les réglages d’enregistrement de la caméra ? Quels logiciels seront utilisés pour l’étalonnage ? Comment les images seront-elles récupérées par le montage à Los Angeles à partir du tournage en France ? Comment le réalisateur pourra-t-il regarder ses rushes le soir, une fois chez lui ? Etc… Toutes ces procédures, tous ces réglages vont se discuter au moment de la réunion de post production puis seront finalisés par la suite. Selon la relation entre le DIT et le chef opérateur, le DIT peut également jouer le rôle de coloriste dès cette étape, en travaillant sur le look de l’image. 

Aux essais caméras

Pendant les essais caméra, le DIT va, bien sûr, préparer son matériel et vérifier son fonctionnement, mais également calibrer les moniteurs, vérifier la transmission des fichiers du plateau à la post production voire calibrer leurs moniteurs.

Sur le tournage

Une fois arrivé sur le plateau, deux traditions existent : le DIT Data et le DIT On-Set.

Le DIT Data s’occupe des rushes, les copie et les étalonne. Disposant d’un étalonneur de rushes proche de lui tout au long du tournage, le chef opérateur obtient ainsi une meilleure maîtrise sur les images parvenant au réalisateur dans les dailies et dans la salle de montage.

Le DIT On-Set, quant à lui, travaille à la face (à côté de la caméra) auprès du chef opérateur. Il a un objectif principal : s’assurer à tout moment la qualité de l’image enregistrée par le Directeur Photo en fonction des critères esthétiques de ce dernier. Dans ce sens, le DIT On-Set conseille le chef opérateur d’un point de vue technique et esthétique (filtration, réglages de la caméra, exposition…). Avoir un DIT On-Set sur le plateau permet en outre de décharger le Chef Opérateur de la partie technique de l’exposition. Suivant les intentions donnée par le Chef Opérateur, le DIT peut gérer lui-même le Diaph et tous les autres éléments de l’exposition (ISO, Shutter, Nds).

Le DIT On-Set, étalonnant en Live sur le plateau, s’assure également que cet étalonnage suive les images sur les dailies et au montage. Toutefois, étant donné la charge de travail, le DIT On-Set s’aide la plupart du temps d’un Data Manager pour gérer les données du plateau (rushes audio et vidéo, métadonnées, etc.).

Travaillant à la face, le DIT On-Set collabore avec de nombreuses autres postes du plateau :

• Le DIT et le Réalisateur
  Le DIT On-Set s’assure que l’étalonnage préliminaire désiré par le chef opérateur suivent toutes les images parvenant au Réalisateur (vidéo sur le plateau, dailies, proxies pour le montage).

• Le DIT et le 1er Assistant Caméra :
  D’une manière générale, le DIT prend en charge toutes les questions d’ordre technologique et de gestion des rushes, permettant au 1er Assistant Caméra de se concentrer sur le point et la gestion de l’équipe caméra. En préparation, le DIT et le 1er Assistant Caméra se concertent afin de finaliser leurs demandes de matériel et d’équipe. Ils travaillent de manière complémentaire lors des essais caméra.Sur le plateau, le DIT et le 1er Assistant Caméra communiquent beaucoup. Ils s’échangent par talkie les informations suivantes :
  • Les changements d’optiques et de filtres
  • Les problèmes techniques visuels (flares, poussières, reflets)
  • L’état du Point sur l’ensemble de la prise
  • Les recommandations du Directeur Photo

• Le DIT et le 2nd Assistant Caméra :
  Le 2nd Assistant Caméra est la jonction physique entre la caméra et la station DIT. Il gère le chargement et le déchargement des cartes d’enregistrement dans la caméra. Il en confirme auprès du DIT le formatage et le numéro d’identification (exemple : 001A). Par ailleurs, si le Data Manager conserve de son côté les cartes à Backuper, le 2^nd, lui, a à sa charge les cartes prêtes à retourner à la caméra.

• Le DIT et l’Assistant Vidéo :
  L’Assistant Vidéo s’assurera de permettre un accès à l’image aussi constant que possible au DIT. Par ailleurs, le DIT On-Set travaillant sur l’étalonnage Live, le flux vidéo devra passer par sa station et ensuite seulement au reste du village vidéo.
  Pendant les essais caméras, le DIT s’assure de la calibration des moniteurs utilisés par l’Assistant Vidéo.
  Selon les tournages, l’Assistant Vidéo est intégré, non pas à l’équipe caméra, mais à l’équipe du DIT.

• Le DIT et le Chef Électricien
  Le DIT et le Chef Electricien constitue le duo esthétique le plus proche du Chef Opérateur. L’intérêt majeur de l’étalonnage Live est de pouvoir mettre en place un genre de ping pong entre ce qui peut être révélé par l’étalonnage et ce qui peut être fait sur le plateau, notamment par l’équipe électricité.
  Par ailleurs, pour permettre au DIT de travailler sur sa station, il faudra lui assurer la plupart du temps une source d’alimentation électrique constante (selon le matériel toutefois, les batteries en 220V et stations alimentées par Vlocks se démocratisant).

• Le DIT et le Scripte :
  Sur le plateau, le DIT a à sa charge le rapport image. Le scripte communique au DIT les prises cerclées au fur et à mesure des journées de tournage.

• Le DIT et l’équipe artistique : HMC, Déco :
  L’image étalonnée étant bien souvent une image différente de la réalité, il peut-être important pour le HMC et la Déco de vérifier le résultat de leur travail sur le moniteur du DIT (l’idéal étant bien évidemment de réaliser un maximum d’essais en amont).
  Il se peut également que le DIT informe le département HMC ou Déco sur des problèmes d’image : moirés sur des costumes ou des éléments de décors, etc.

• Le DIT et l’Ingénieur du son :
  En fonction du volume sonore de la station DIT, l’ingénieur du son et le DIT doivent trouver un accord sur sa position. En fin de journée, l’ingénieur du son confie ses rushes son au Data Manager, ou en son absence, au DIT pour leur offload et le rassemblement des données partant à la post production.

Tout comme n’importe quelle autre poste du tournage, les tâches et les méthodes du DIT ne sont pas ancrés dans le marbre. Elles vont évoluer en fonction de l’équipe avec laquelle il travaille, du Chef Opérateur et, bien sûr, du matériel choisi pour le tournage. Tout ceci se doit d’être discuter en phase de préparation.

Conclusion

Tous les métiers que j’évoquais en introduction sont en proie constante au changement. Malgré leur jeunesse, des responsabilités s’y sont peu à peu associées et stabilisées mais les outils, eux, évoluent sans cesse. Travailler à ces postes implique ainsi une veille technologique constante, bien souvent en anglais. Je ne saurai que trop vous recommander de vous déplacer et de vous informer sans cesse, conférences, salons, sites internets, périodiques. En voici une courte liste qui pourra vous faire un point de départ :

• Jon Fauer’s Film & Digital Times (magazine et site internet)
• Cinema 5D (site internet)
• Wolfcrow (site internet)
• site de l’AFC, association française des directeurs de la photographie cinématographique
• site de l’AOA, association française des assistants opérateurs
• Micro Salon (salon annuel de l’AFC à Paris) et son lot de conférences
• Salon IBC (salon annuel des technologies audiovisuels à Amsterdam) et son lot de conférences également

De mon côté, je diffuse ma veille technologique et mes travaux de recherches sur ma page Facebook.

Par ailleurs, je vous recommande quelque sites forts d’enseignements :

• le site de l’ADIT, l’association française des DIT et Data Manager sur lequel vous trouverez le document DIT 2.0 traitant des responsabilités et process associés à ce métier.
• Les sites ICG Magazine, British Cinematographer et American Cinematographer, ainsi que le mensuel La Lettre AFC. Leurs équipes éditoriales interviews des chefs opérateurs et techniciens de l’image autour de leur travail sur différents projets : long métrages, téléfilms, séries, etc.

Et enfin, un livre :

Digital Cinematography par David Stump, un document de référence pour toute personne voulant comprendre le fonctionnement du cinéma numérique

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